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Central Reserve Police Force et Special Frontier Force. La lutte anti-insurrectionnelle en Inde

  • ragnarfr2
  • 10 juin 2021
  • 8 min de lecture



Pour contrer les activités de la guérilla maoïste dans le centre de l’Inde et sécuriser plusieurs de ses États du nord-ouest en proie à des mouvements sécessionnistes ou à des conflits ethniques ou religieux, le gouvernement de New Delhi s’appuie pour l’essentiel sur deux entités distinctes : la Central Reserve Police Force et la Special Frontier Force.


Deuxième pays le plus peuplé du monde avec près de 1,3 milliard d’habitants, l’Inde est déchirée depuis des décennies par diverses insurrections. État à majorité musulmane, le Cachemire est aujourd’hui l’exemple type des conflits ethniques et religieux qui secouent l’Inde. Le Pendjab aussi, où vit une importante communauté sikh qui a fait parler d’elle plus d’une fois (occupation du Temple d’Or d’Amritsar, assassinat d’Indira Gandhi, etc.).

En Assam notamment et dans les autres États du nord-est de l’Inde, des mouvements autonomistes et séparatistes mènent toujours une guérilla en recourant à des actes terroristes. De plus, une rébellion maoïste, dite naxalite, sévit dans le centre et l’est du pays depuis de nombreuses années déjà, comme nous l’avons rapporté à maintes reprises dans notre rubrique « Points chauds ».


Pour mener cette lutte anti-insurrectionnelle sur plusieurs fronts internes, New Delhi dispose de deux instruments dédiés : la Central Reserve Police Force (CRPF) et la Special Frontier Force, qui sont rattachées, respectivement, à deux administrations distinctes, le Ministry of Home Affairs, équivalent de notre ministère de l’Intérieur, et le Research and

Analysis Wing, le service de renseignement indien, qui relève directement du bureau du Premier ministre et chef du gouvernement, en l’occurrence Narendra Modi, en fonction depuis mai 2014. À ces deux entités viennent s’ajouter d’autres forces, celles des polices locales et d’États, la National Security Guard (NSG), unité antiterroriste et de libération d’otages, et la Border Security Force, relevant également toutes les deux du Ministry of Home Affairs, et des détachements autonomes d’opérations spéciales fournis par les forces armées indiennes, notamment les paras-commandos Special Forces ou Para SF rattachés au Parachute Regiment.


RAF et CoBRA de la CRPF




Force paramilitaire la plus importante, de par ses effectifs, en Inde et probablement dans le monde,

la Central Reserve Police Force compte plus de 310 000 éléments, répartis au sein de quelque 240 bataillons, dont six sont constitués uniquement de personnel féminin. La CRPF a été créée fin décembre 1949 par transformation de la Crown Representative’s Police de l’époque coloniale. De la direction centrale de la CRPF, dont le QG est situé à New Delhi, dépendent quatre grands sous-commandements régionaux : Nord-Est, Centre, Sud et Jammu et Cachemire.


Outre les missions d’ordre public dans les différents États du pays en soutien aux forces locales, et les missions extérieures placées sous l’égide de l’ONU (Haïti, Liberia, Congo, etc.), la CRPF est engagée activement dans les opérations anti-insurrectionnelles contre la rébellion maoïste et contre d’autres groupes armés séparatistes ou indépendantistes. Ces opérations sont confiées plus précisément

et en priorité à la Rapid Action Force (RAF) et aux CoBRA (pour Commando Battalions for Resolute Action).


Ces deux entités distinctes, qui constituent le fer de lance de la CRPF, opèrent dans les États les plus sensibles de l’Union indienne, lorsque les forces de police locales ne sont pas en mesure de faire face à la situation.


Ainsi, les unités de la RAF sont dépêchées principalement au Jammu-et-Cachemire, contre les séparatistes, indépendantistes et autres groupes islamistes.


Tandis que les CoBRA combattent la rébellion naxalite dans ce qu’il est convenu d’appeler « le corridor rouge » (Bengale-Occidental, Chhattisgarh, Jharkhand et Odisha, notamment).


Alignant au total 15 bataillons et plus de 12 000 volontaires, la RAF a été créée officiellement le 11 décembre 1991. Force anti-émeutes, la FAR a vu s’élargir récemment son spectre de missions aux opérations anti-insurrectionnelles et de lutte antiguérilla, pour l’essentiel en milieu urbain.


En avril 1994, cinq autres bataillons sont venus s’ajouter aux cinq précédents (ces dix bataillons sont numérotés de 99 à 108). L’académie de la RAF a ouvert ses portes le 9 novembre 2013 dans la ville de Meerut, située au nord du pays. En 2017, le gouvernement indien a approuvé la création de cinq bataillons supplémentaires (numérotés 83, 91, 97, 114 et 194). Chaque bataillon est composé de trois ou quatre compagnies (chacune spécialisée dans un domaine d’intervention) et d’au moins un peloton constitué de personnel féminin.


Placée sous le commandement d’un inspector-general of police, la RAF a beau être une force de réaction rapide, elle assure nombre de missions de maintien de l’ordre et de sécurité, à la demande des autorités locales qui, trop souvent, font appel à elle lorsque la situation leur échappe. Ce fut le cas lors des attaques terroristes du 28 novembre 2008 à Mumbai, qui firent près de 180 morts au total.

La demande d’intervention de la RAF fut lente à venir, puisque son déploiement se fait uniquement sur ordre du ministre de l’Intérieur et sur demande spécifique des gouvernements locaux, même si les unités dépêchées sur zone réussirent en un temps record à boucler et à sécuriser les périmètres autour des grands hôtels Taj Mahal et Oberoi Trident, en coordination avec un détachement des Marine Commandos (MARCOS) de l’Indian Navy. Rappelons que l’intervention elle-même (opération Black Tornado) fut menée par les opérateurs de la National Security Guard arrivés de New Delhi durant la nuit.


Contrairement à la RAF, qui a une vocation plus « urbaine », les CoBRA sont avant tout des unités chargées plus spécifiquement des interventions en milieux géographiques adverses (forêts, jungle et milieux humides ou marécageux). Constituée officiellement le 12 septembre 2008 pour faire face à la rébellion naxalite, cette autre entité de la CRPF aligne 10 bataillons au total, mis sur pied on ne peut plus rapidement, compte tenu des difficultés et délais inhérents à la sélection des personnels et à leur formation. En effet, les deux premiers bataillons ont été déclarés pleinement opérationnels en 2009, les quatre suivants en 2010 et les quatre derniers en 2011.


Tous volontaires, sélectionnés au sein de la CRPF, les futurs opérateurs CoBRA sont formés dans deux centres d’entraînement spécialisés dans le combat en jungle, situés respectivement à Belgaum (Karnataka) et à Koraput (Odisha). Le cursus est quasiment identique à celui des « Black Cats » de la NSG, mais sans le volet urbain, alors que la formation aux techniques d’assaut héliporté est confiée aux instructeurs du Parachute Regiment.


Outre les enseignements nécessaires à leur vocation prioritaire (topographie, orientation, camouflage, tir de précision, etc.), les « Jungle Warriors »suivent aussi un stage dédié au recueil de renseignements à fin d’action ; leurs missions principales étant axées non seulement sur la reconnaissance à long rayon d’action, mais aussi sur les embuscades et les coups de main ou raids ponctuels sur des objectifs préalablement localisés et identifiés. Considérés actuellement parmi les unités les plus expérimentées en matière de lutte anti-insurrectionnelle et d’antiguérilla, les CoBRA totalisent à leur actif plus 23 000 opérations ou actions menées depuis 2009 et un bilan tout aussi impressionnant sur la même période : plus de 500 rebelles naxalites tués au cours d’accrochages, d’embuscades et de raids et environ 3 500 autres blessés et/ou capturés.


La zone de déploiement des CoBRA, qui comptent pas loin de 10 000 hommes, comprend tous les États où sont actifs les rebelles maoïstes, soit plus d’un tiers des États de l’Union indienne…


La SFF sur le « front » nord-ouest


Si les unités de la RAF sont sporadiquement dépêchées au Jammu-et-Cachemire en période de troubles, c’est cependant à la Special Frontier Force (SSF) que revient le gros du travail dans cette région sensible de l’Union indienne et dans les zones limitrophes au Pakistan et à la Chine.


Constituée officiellement le 14 novembre 1962, soit tout juste avant la fin du conflit sino-indien (22 octobre-21 novembre 1962), la SSF était placée à l’origine sous le contrôle de l’Intelligence Bureau (le service de renseignement intérieur) du Ministry of Home Affairs, avant de basculer sous celui du Special Services Bureau (SSB) du Research and Analysis Wing (R&AW), l’agence de renseignement extérieur, créée en novembre 1968, relevant depuis du bureau du Premier ministre. La mission principale de la SFF était, à l’origine, de mener des opérations spéciales, voire clandestines, derrière les lignes chinoises dans le cas d’une nouvelle guerre sino-indienne. Les premiers éléments de cette force paramilitaire furent d’ailleurs recrutés parmi les Khampas, ethnie tibétaine de la région du Kham, aujourd’hui rattachée à la Chine.


Pas moins de 5 000 hommes, dont de nombreux Khampas, furent enrôlés à l’époque pour constituer la SFF, qui disposait déjà de son propre centre d’instruction au combat en montagne, situé à Chakrata (Uttarakhand). Formés et entraînés pendant cinq à six mois au combat et à la survie en montagne et aux opérations antiguérilla, avant de rejoindre leur unité d’affectation, les personnels opérationnels reçoivent aussi une formation au combat en jungle et en milieu urbain, ainsi qu’aux opérations aéroportées, tous étant brevetés parachutistes. Confiée initialement à la Paratrooper Training School, l’école des troupes aéroportées de l’Indian Army située à Agra (Uttar Pradesh), la formation aéroportée est assurée aujourd’hui par les instructeurs de l’Indian Air Force de la base aérienne de Sarsawa (Uttar Pradesh).


Actuellement, la composante opérationnelle de la SFF est répartie au sein d’une douzaine de bataillons, pouvant compter chacun jusqu’à six compagnies, comme c’était le cas dans les années 70 lorsque ses effectifs globaux ont atteint plus de 15 000 hommes. Selon certaines sources, la SFF disposerait, par ailleurs, d’une unité antiterroriste

et de libération d’otages, appelée Special Counter-Terrorism Unit, basée à Sarsawa, comptant un peu plus d’une centaine d’opérateurs (en fait, il est probable que celle-ci relève directement du Special Service Bureau du R&AW).


Si elle n’a jamais eu l’occasion – du moins, officiellement – de mener des opérations spéciales contre la Chine, en revanche la SFF a participé activement à la troisième guerre indo-pakistanaise de décembre 1971, qui aboutit à l’indépendance du Pakistan oriental (devenu Bangladesh).


Depuis lors, la SFF a été impliquée dans des opérations militaires sur le glacier de Siachen, dans des conditions extrêmement rudes, à une altitude comprise entre 5 000 et 7 000 m et par des températures pouvant atteindre -50°C. Toujours revendiqué par le Pakistan, le glacier de Siachen est actuellement sous contrôle indien, mais il a été le théâtre de nombreuses escarmouches entre les forces armées indiennes et pakistanaises, notamment lors du conflit de Kargil (Jammu-et-Cachemire) en 1999.


En fait, la SFF est surtout sollicitée pour les opérations intérieures de maintien de l’ordre « musclées », anti-insurrectionnelles, voire antiguérilla.


De toutes ses opérations, la plus largement médiatisée fut l’opération Blue Star, en juin 1984, à Amritsar (Pendjab), contre les séparatistes sikhs : l’assaut du Temple d’Or et du Sri Akal Takht, siège de l’autorité du sikhisme, causa la mort de près d’un millier de personnes, dont plus de 150 militaires (les chiffres officiels font état de 83 morts parmi les militaires et de 493 parmi les civils et les insurgés).


À cette opération quelque peu controversée prirent part également des unités de la CRPF, du Parachute Regiment et de la Border Security Force notamment.


Aujourd’hui, la SFF est fortement impliquée dans la vallée du Cachemire, densément peuplée et à majorité musulmane, où aucun référendum n’a jamais pu avoir lieu pour la simple raison que les forces pakistanaises comme les forces indiennes ne se sont jamais retirées, comme le stipulait la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.


Depuis, le Cachemire est de facto en état de partition ; les minorités hindoues ont été expulsées des territoires contrôlés par le Pakistan et le Jammu-et-Cachemire est devenu le seul État indien à majorité musulmane, d’où les nombreux affrontements entre les deux communautés.


L’armement de la « Special Frontier Force »


Bien qu’il s’agisse d’une force paramilitaire, la Special Frontier Force (SFF) dispose des équipements et de l’armement propres aux unités modernes d’infanterie légère, mais ils sont plus diversifiés et de qualité supérieure à ceux en service dans bien des régiments de l’Indian Army.


Si la Kalachnikov type MPi KMS-72 (venue d’Allemagne de l’Est), le fusil de précision SVD Dragunov et la mitrailleuse KPM sont toujours en service, les opérateurs de la SFF disposent également de fusils d’assaut M4A1 Carbine, FN SCAR et Tavor, de fusils de précision Mauser SP66 et Galil Sniper, de mitrailleuses MG-2A1/MAG et d’armes antichars Carl Gustav Mk III, Instalaza C90 et B-300 Shipon. À noter que le fusil d’assaut standard INSAS (Indian Small Arms System), qui est utilisé notamment par les CoBRA, n’est plus en dotation à la SFF.




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